PORTRAIT DE NODJOK : VORTEX4LIFE, LES MÉLODIES D’UN ENFANT ISSU DU NÉANT

PORTRAIT DE NODJOK : VORTEX4LIFE, LES MÉLODIES D’UN ENFANT ISSU DU NÉANT

Nous avons échangé avec Yung Nodjok en facetime 9 mois avant la sortie de ce projet (sorti le 7 août dernier) .

Au détour de notre conversation, nous avons pu en apprendre davantage sur ses inspirations et ses projets dans la musique. Mais, ce fut aussi, et de manière agréablement surprenante, l’occasion de connaître un garçon humble, touchant et passionné. Entrée dans le Vortex. 

“Mon cœur bat trop vite, l’extendo est vide, les poches sont pleines mais à quoi ça sert ?” Ainsi vont les premières paroles d’un album lancé comme une “simulation” (sic) par une narratrice inconnue. En effet, une voix féminine et androïde accompagne Yung Nodjok tout au long de Vortex4Life. Comme si le jeune rappeur avait enfilé le temps d’un projet le costume de Cobra, ce héros de manga qui combat les pirates de l’espace aidé par Armanoïde, son fidèle robot. C’est cette voix qui nous souhaite la bienvenue dans cette simulation. Cette simulation, c’est avant tout celle d’une vie de rêve aux pans flous et qui résonne parfois comme une coquille vide. 

Avant d’entrer dans le vif de l’album, revenons brièvement sur le fil de la carrière du jeune homme de 22 ans. Après son premier EP, FairyTrap : Chapitre I, Vortex4Life était très attendu et a répondu aux interrogations qui entouraient le début de carrière du jeune prodige pour qui la trap, la digi-vibe, l’egotrip et la mode n’ont que très peu de secret. Si son premier projet était un brouillon aux sonorités à la fois féeriques et digitales sur des productions résolument trap, l’album inaugural amène une toute autre couleur. C’est une musique qui a mûri et qui est perceptiblement plus sincère. 

Suite à ses premiers succès sur Soundcloud, comme l’énergique Sans arrêt ou le génial 4000 Hoes, Nodjok signe finalement fin 2020 un contrat avec le prestigieux label Because Music, filiale de Sony. Il avait d’autres propositions de majors, comme la très prestigieuse Universal, mais il a souhaité rester libre et “à l’aise”, selon ses mots. C’est la mentalité de la plupart des artistes qui font leur trou en provenance de Soundcloud. Il est également proche de Retro X, rappeur renommé dans la scène underground pour la grande innovation qu’il a apportée en France: on lui doit l’emodrill. 

Mieux équipé, la tête pleine de ses voyages à Toulouse, Paris, Amsterdam, ou encore Bruxelles, Nodjok a mis à profit tout ce qu’il a vu et l’énergie captée ici et là pour en parler sincèrement dans cet album faussement introspectif -et nous verrons en quoi-, un simulacre de vie de rockstar, celle qu’il se rêve sans trop s’y attacher. 

En 13 titres, le thème principal paraît clair: le succès. Yung Nodjok joue avec les mots et les éléments pour proposer un album à la fois mélancolique et optimiste. Mais cet optimisme ne saurait trouver un autre écho que l’illusion, la simulation, le rêve, l’espoir. Finalement, ce que nous dit cet album, en substance, c’est tout l’aspect brumeux et trompeur de ce business que le jeune artiste souhaitait ardemment intégrer.

Dans Rêves, justement, tout ce qu’il mentionne concerne exclusivement le papier, les artifices (VVS), les vêtements (“500 sur mon jean 500 sur mon tee!”), de l’argent et encore de l’argent. Il parvient tout juste à faire part d’un peu “d’amour” qu’il aurait pour quelqu’un, mais reconnaît: “c’est dur à gérer”. Dans ce titre aux claps r&b, agrémenté de percussions trap et de notes de piano assez simples, Yung Nodjok semble concentrer ses rêves dans le monde matériel et fait part de sa difficulté à se focaliser sur autres choses que ces éléments standards du succès de rappeur aujourd’hui: le sexe, les diamants, l’argent et les possessions semblent avoir emprunté les sentiments. 

Dans Affaires, c’est à peu près le même constat: de l’argent, des fellations, des fellations sous la douche cette fois, pas le temps pour le reste, Moncler et tour de la terre qui riment. La boucle est bouclée. Le son est assez maîtrisé. Mention pour ce petit côté r&b californien cool qui lui confère une certaine assurance. 

Au début de l’album, Nodjok se montre pourtant plus sombre et pensif quant à toute cette situation de rappeur aspiré dans le lifestyle. Notamment dès le premier titre, où il demande à ses proches “Enterrez-moi avec tout mon or, avant que mes souvenirs s’évaporent” (BPM). S’il est capable “de dépenser un smic dans du Chanel” car lorsqu’il “veut quelque chose, (il) le fait tout de suite”, l’artiste semble donc conclure que le bonheur qu’il en retire se révèle assez mince. 

L’album est finalement assez inégal tant dans les sonorités que dans la puissance objective des titres, c’est ce qu’on pourrait objecter à un fan qui s’exciterait sur l’album de son idole. Mais il reste un premier projet très sympathique à écouter et qui propose de bons titres tristes, ou juste émotifs, et des morceaux plus entraînants, capables de brûler en trois minutes une soirée appart. C’est le cas de Top Kill où Yuri Online et lui fusionnent quasiment pour déchiqueter la production très électrique de Darkboy Santana. 

Le Vortex, élément phare, héros de l’album tout entier, c’est son studio situé dans sa ville natale, à Dunkerque. Il représente pour lui la zone de confort et l’endroit où il perd son insouciance à la fois. Autoproclamés enfants du néant, ses amis d’enfance et lui y développent une alchimie obscure et joyeuse à la fois. “Au début, c’était pour rire. On a fait un son sur Kylie en exagérant l’autotune. Tout a commencé avec un test, j’étais juste curieux en fait.”, se souvient-il. 

Impliqué dans sa musique autant que sur sa carrière et ses choix business, Nodjok nous a révélé qu’il faisait beaucoup de co-productions. 

“Je donne mes directives pour la musique, je m’enregistre moi-même aussi, je fais mes pré-mix. A vrai dire, j’enregistre encore beaucoup seul chez moi, me retrouver est nécessaire (pour la musique, ndlr)”. 

Sur l’album, il se montre plus précis quant à la façon dont il l’a élaboré : “Je l’ai beaucoup peaufiné à Amsterdam, avec les gars du DGBE (le crew de Retro, ndlr.). Je dirais qu’il y a une part d’obscur mélodieux, mais que c’est un petit peu joyeux quand même.” 

L’idée principale de V4L, c’est de représenter sa base, son noyau-dur. “La plupart du temps, c’est dans ce labo qu’on crée notre musique”, explique-t-il. On regrettera qu’il n’en fait pas assez mention compte tenu du titre éponyme. 

Le meilleur titre, ou en tout cas celui qui rencontre le plus de succès sur les plateformes, s’appelle Paradis. Les notes de piano du début annonce un titre spécial, mais c’est bien la voix et l’autotune léchée de Yung Nodjok qui élèvent l’ensemble musicalement. Il est rare de constater une telle aisance, un tel niveau que l’instrumentale (pourtant pas mal du tout) en vienne à être autant reléguée au second plan.

Les punchlines sont elles aussi nombreuses et raccords avec son univers, son egotrip, la puissante émotion que laisse échapper la créature issue du Vortex. Conscient de son statut, il lâche “Baby veut play avec son oseille”, visionnaire, il s’imagine déjà : “toute la nuit, on fait des selfies qui se retrouvent sur Closer”. Imagé, son chant nous emmène dans la vie d’une star accomplie et sans émoi supplémentaire, sans lumière malgré la réussite imminente. “(…) obligé de la gifler, elle s’approche de mon oreille, elle me dit vas-y chiffre, donc je fais du chiffre ! …” Se révèle presque sous nos yeux la vie future de Nodjok, lui répète souvent au fil des mesures qu’il s’en ira triste, jeune et célèbre, dans de beaux vêtements à 27 ans ou avant. Et c’est précisément ce que retranscrit le puissant deuxième morceau de cet album manifeste. 

Pourra-t-il capitaliser sur Vortex 4 Life et accéder à ces illusions qu’il chasse désespérément au studio, chez lui, et dans sa tête ? Le jeune rappeur de 22 ans se donne peu de temps pour tout balayer, et V4L n’est vraisemblablement qu’une première brique avant la villa qui accueillera ses multiples pièces de mode, ses liasses, tous ses amis, et sa femme. La voie du rap mélodieux et proche du rnb semble belle et originale, une voie qui lui conviendrait superbement au vu du potentiel entrevu sur la longueur du projet. Finalement, avec ce tournant musical, il aurait sans doute tout à gagner s’il poursuivait les efforts qui ont permis d’accoucher d’une telle musique, certes encore fluctuante, mais parfois si rare. 

Mario Mathusalem

For the culture.

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