TEDAX MAX : UN POÈTE DES TEMPS MODERNES

TEDAX MAX : UN POÈTE DES TEMPS MODERNES

Une semaine après la sortie de « Forme Olympique : Final Season », Tedax Max s’est confié à Scope sur son parcours et ses inspirations … Il a abordé son dernier projet en détails mélangeant : lyriques, travail d’équipe et direction artistique. Enfin, il s’est confié sur sa réflexion personnelle sur le rap, l’avenir de sa carrière et le choix de rester indépendant.

Pour ceux qui ne le connaitraient pas encore, Tedax est un rappeur lyonnais originaire du quartier de la Guillotière. Il a commencé l’année 2021 avec un premier EP et a conclu celle-ci avec un troisième, toujours en « forme olympique » .

Il a su conquérir le cœur des Lyonnais et commence peu à peu à élargir son public, preuve en est l’intérêt que lui a porté la chaîne Colors, dont on parlera également. 

Vous verrez que Tedax parle rarement de lui à la première personne, révélateur d’une grande reconnaissance envers toute son équipe présente à ses côtés depuis de nombreuses années. Il est toujours important de rappeler que derrière chaque projet se cachent : beatmakers, caméraman, graphistes, managers et photographes… 

Sur le déroulement de l’année 2021, Tedax a ainsi dit à son équipe :

« On a fait une belle année les mecs, on est indépendants, on a fait un colors, on a sorti 3 projets, on a sorti notre épingle du jeu, on a fait des choses que des artistes signés ne font même pas encore. »

Si on devait décrire sa musique en quelques points :

  • Une écriture maitrisée avec des rimes soignées
  • Un débit de kickeur, une âme de poète
  • Un voyage dans le hip-hop des années 90
  • Des références au cinéma, à la NBA et à la littérature.

Après cette présentation, il est temps de laisser la parole à Tedax.

Alors pour commencer, quand est ce que tu as commencé à te prendre de passion pour le rap ?

J’ai commencé à écrire et à faire du son à mes 18 ans. J’ai toujours été passionné par la musique et le rap en particulier. Ça a commencé dès la primaire à 8 – 10 ans. J’achetais les magazines hip hop. J’écoutais les sons et je les réécrivais pour pouvoir les chanter à ma façon.

Donc ça t’es venu en partie via les magazines ?

En partie parce que j’écoutais déjà du rap grâce à mes grands cousins. Mais oui à l’époque (années 1998-2000) y avait des magazines rap, R’n’B (Radikal ; Groove).  Ils se vendaient dans les kiosques, on avait pas encore internet donc c’était là-bas que je me documentais. Avant, tu lisais pendant un mois le même numéro en attendant que le prochain sorte. J’utilisais les cassettes aussi pour enregistrer les sons à la radio et pouvoir les réécouter ensuite. J’avais vraiment un intérêt sans penser du tout que demain j’allais faire de la musique.

Tu partageais ta passion du rap avec tes potes à l’école ?

Ouais, on était tous à fond. Dans notre bande, la musique c’était trop important on avait notre mp3. Quand j’ai commencé le son à 18 ans, j’étais pas tout seul on étaient 2 avec un pote à moi de la même bande. La musique c’était indispensable.

A l’époque, quelles étaient tes influences particulières ? 

Mes influences sont vraiment vastes mais c’est plutôt le rap de Marseille. A 9 ans quand j’ai écouté IAM ça m’a vraiment percuté. En plus, quand je vais chez mes grands cousins, je vois qu’il les écoute, donc je suis à fond dedans. En plus d’IAM ce que j’écoutais principalement, c’était les chroniques de Mars, MC Solaar, le secteur Ä, la Fonky Family

J’ai remarqué qu’il y avait de nombreuses références au 7ème art dans ta musique, on peut citer des films comme Venom, Batman, Matrix… J’imagine que tu apprécies beaucoup le cinéma ?

Ouais à fond ! Je regarde grave des films et des séries. Quand je suis chez moi je suis tout le temps avec la télé allumée. Vu que j’aime beaucoup, forcément ça m’influence dans ma musique. J’ai pas de mal à référencer, j’ai beaucoup d’images dans la tête.

Il y a beaucoup de références aux films de mafieux, avec Sleepers ou Heat par exemple. Ce sont des films assez sombres, c’est ce que tu préfères ?

J’aime un peu de tout mais c’est vrai que ces films là, ils sont dans mes classiques. Par exemple, quand je cite Meyer Lansky c’est le genre de gangster que j’aime bien parce que c’est quelqu’un qui a de la jugeotte et il a pas besoin d’user de violence pour se faire respecter. Quand je dis : « dans le film Sleepers j’aurais été De Niro », je dis juste avant : « je veille sur les miens », il y a toujours un sens. La couleur des films, qui sont assez sombres, ça colle aussi avec ma musique.

Et d’ailleurs est-ce qu’il y a une raison particulière au fait que ton dernier projet soit particulièrement sombre ? Je fais notamment référence à la pochette qui possède une couleur assez différente des autres

Les gens qui me connaissent m’ont dit que je suis vraiment allé dans un truc qui me ressemble. Dans les projets précédents ça se ressentait plus sur la façon dont je faisais la musique mais pas sur le décor.Je voulais quelque chose qui se démarque un peu. On voit que sur la pochette, le festin rappelle le « humble et affamé ».

Je trouve qu’il y a des sons qui se démarquent, notamment « la route de l’école » ou « interlude léopard » avec la prod qui apporte une autre couleur au projet.

C’était important pour moi, ça permettait d’aérer un peu puis de créer un effet de surprise aussi parce que les gens s’y attendent pas. Et puis ça a un sens, parce que pour la prod on a pris un sample de Koffi Olomide, c’est un chanteur du pays (le Congo). Les gens du Congo connaissent très bien, c’est un grand chanteur africain assez connu et c’était assez significatif. Je suis congolais et chez nous on nous appelle « les léopards ».

Le léopard possède une histoire importante au Congo, c’est un réel symbole national pour le pays.

Les beatmakers, tu les cites à chaque fois dans tes sons. C’est quelque chose qu’on ne voit pas souvent dans le rap et qui mérite d’être souligné.

Oui c’est super important, surtout aujourd’hui. On est à une époque où le beatmaker fait quasi 80% du boulot. Moi les beatmakers avec qui je travaille, je bosse avec eux depuis un moment, jeune tutslard (@kdnd_69), on se connait depuis 2015-2016, benshot , nars (@narsbaks) morfal (@falmor.plv)…

Tout les crédits sont sur le insta de Tedax Max (@ogmaxaveli)

« On perd nos ailes », c’est le son que le public a particulièrement aimé, tu t’y attendais ?

Perso j’aime beaucoup ce son, avec « causes et pertes » ils ont une consonnance un peu old school derrière, y a des gens qui avaient peur que ça soit trop à l’ancienne mais finalement on a eu que des bons retours. C’est vrai que le rap à l’ancienne ça manque et je me rends compte que’il y a un gros public qui aime ça.

Pour rebondir sur le côté Old School on a vraiment ça avec le son « Harlem Manhattan », quand on l’écoute on a l’impression d’être dans les rues de New York la nuit.

Je kiffe qu’on me dise ça parce que moi c’est l’univers dont je suis inspiré de fou. C’est ce que me disait Djado Mado (interview dispo sur le site), « on sent grave l’influence New Yorkaise mais ça reste toi, ça te ressemble bien ». Je suis content parce que c’est important d’avoir son univers.

« On perd nos ailes à faire l’oseille » l’argent revient beaucoup dans le rap, l’ascension rime souvent avec richesse, mais pour toi est-ce que richesse rime avec bonheur ?

Oui je suis d’accord avec toi, après dans le son c’est une façon de dire qu’on passe notre temps à chercher une façon de faire de l’oseille surtout aujourd’hui, mais tu passes à coté de pleins d’autres choses. Nous, on est indépendant dans ce qu’on fait donc on récupère un peu d’argent mais finalement l’argent sort beaucoup plus qu’il rentre. Au final, je dis à mon équipe que c’est positif. Si demain ça prend plus et que les choses deviennent plus facile avec l’argent, peut être qu’on sera un peu nostalgique de l’époque où on faisait les choses par nous-mêmes.

Comme l’un de nous aime bien le dire « la traque est toujours meilleure que la capture » .

Ça se passe comment au sein de l’équipe au niveau de l’esprit de groupe et du travail ?

Chaque membre de mon équipe est libre. Ils font ce qu’ils ont à faire. Par exemple Tousnar, il bosse aussi avec Laws. Quand un de mes gars n’est pas disponible j’aurais pas de mal à aller voir ailleurs, pour autant je regarde toujours en premier dans mon équipe. Si ça fait 2 mois que tu m’as pas envoyé des Prods, t’as juste à regarder le groupe whatsapp et t’es toujours le bienvenu. Rien empêche aux beatmakers de proposer leurs prods à d’autres gens mais je choisis ce que je veux en priorité parce qu’on est avant tout dans un truc ensemble.

Tu es libre d’aller ailleurs mais sache qu’ici c’est toujours chez toi.

D’ailleurs au niveau de la direction artistique de « forme olympique », t’as décidé ça tout seul ?

Oui c’est moi, après je demande l’aval à mes gars. Pour le style des cover, je voyais déjà ce que je voulais faire. Je m’inspire beaucoup de Griselda (collectif hip-hop américain et maison de disques indépendante) qui eux aussi font pas mal de cover remplies d’allégories, en lien avec la peinture.

FlyGod – Westside Gunn

Est ce que la ligne artistique du premier et du deuxième projet font référence au Mont Olympe avec le titre et l’esthétique de la cover ?

Effectivement ça regroupe ça parce que j’aime beaucoup cet univers avec l’Iliade et l’Odyssée et le coté olympique ça vient de l’Olympique Lyonnais.

La route de l’école a été inspiré du son « On my way to school » du rappeur Dave East.

Dans plusieurs de tes sons, dont « Sirènes » tu parles de violences policières. Je voulais savoir si c’était un sujet qui te tenait à cœur ?

Le rapport entre les jeunes de quartier et la police c’est compliqué, des fois ça vient de l’approche qu’ils ont envers nous après ça peut aussi être provoqué de notre coté. Aujourd’hui j’ai pas de rapport avec la police, j’évite de parler avec eux et d’être récalcitrant. Je connais des gens qui me disent qu’en 30 ans de vie ils se sont jamais fait contrôler, moi la première fois que je me suis fait contrôler je devais avoir 8 ans.

Tu fais aussi des références à la Palestine et aux Ouighours, ce qui m’a motivé à regarder une vidéo qui expliquait tout le conflit. (s/o Hugo Décrypte pour les travaux)

Oui c’est des petites touches pour montrer que j’oublie pas, pour autant j’ai pas la prétention de dire que je maitrise ces sujets, ça reste des sujets complexes. Le fait de pas avoir de thème précis dans mes sons, ça me permet de parler de tout et c’est le style libre que je préfère.

Aujourd’hui on remarque qu’il est important d’avoir une opinion sur tout. Qu’est ce que tu en penses ? Est ce que pour toi le rap est-il indissociable de la prise de position ?

Personnellement, moi je me sens pas obligé de prendre position, ça vient spontanément. Aujourd’hui de toute façon qu’on parle ou qu’on parle pas ça peut être mal reçu. Comme je l’ai dit dans « le premier dimanche du mois », mes opinions j’ai pas besoin de les brailler sur un compte Twitter.

Dans « causes et pertes », tu dis « L’avenir est prometteur ». Est-ce que tu penses que c’est que le début d’une belle carrière musicale ?

Je pense que là vu comme les choses se passent il y a de quoi être confiant, après moi je pensais pas que tout ça arriverait. Avant de partager sur Youtube ça faisait déjà 10 ans que je faisais de la musique. C’était un peu mon monde à moi parce que les gars, avec qui je trainais, étaient même pas au courant. On se retrouvait en studio avec Tutslard, Laws, on vivait que ça, entre nous. C’était juste pour le plaisir.

Aujourd’hui on est obligé de passer par les réseaux si on veut se faire connaître c’est devenu une étape nécessaire ?

Bah ouais même moi je suis pas très à l’aise sur les réseaux j’ai vraiment appris au fur et à mesure. Maintenant tout passe par les DM même Colors.

Colors est passé par insta ?

Ouais, je sais pas comment ils ont fait pour trouver ma musique. Moi-même j’étais le premier étonné. La petite anecdote, c’est qu’il m’avait déjà contacté une fois mais j’avais pas vu le message, ça faisait déjà 1 mois qu’il m’avait écrit. Ils m’ont demandé comme si j’avais pu refuser. A l’époque j’avais 2K de followers. Toutes ces choses là, on les a pas vu venir.

Est-ce que t’as un morceau préféré sur le dernier projet ?

J’aime tout, mais je dirais « le premier dimanche du mois », en plus c’est Tutslard sur la prod. C’est un mood que j’aime bien parce que je kiffe les sons chill comme celui là.

Il y a un seul feat sur tes projets, avec Laws Babyface, pourquoi ce choix ?

Avec Laws on se connaît depuis longtemps. Quand j’ai commencé à 18 ans, il y avait un grand qui rappait déjà et il regroupait un peu les artistes du 3ème arrondissement et c’est là que ça a commencé. On a toujours eu un parcours un peu similaire. On se comprend bien dans notre univers tout en ayant chacun le nôtre. Je l’ai choisi parce que c’est logique, je sais qu’il sera amené à être là sur le long terme.

La scène rap se développe pas mal à Lyon, il y a des artistes que t’as à nous recommander ?

Y en a plein, ceux qui me viennent à l’esprit là tout de suite c’est : ASHE 22 ; KD ; Engal Sama ; Moussa Bonito ; L’afghan…

Est-ce que t’as des périodes où l’inspiration ne vient pas ?

Non, j’ai pas encore connu ce genre de période. Moi, souvent, l’inspiration elle me vient quand j’écoute une prod, c’est vraiment au feeling. Par exemple, j’aime pas trop écrire en studio. Des fois, c’est un exercice qui est bien quand tu collabores avec quelqu’un. Après j’ai plus l’habitude de bosser seul chez moi, j’ai besoin d’avoir mon espace.

« Solitaire mais Solidaire. »

Dernière question, je voulais aborder avec toi le fait que tu es aujourd’hui indépendant. Quels sont les bons cotés de ne pas être en maison de disques ?

Déjà on sort des sons quand on veut sans avoir à se forcer. Autant profiter de cette liberté. Même si des fois y a des contrats assez libres, il reste quand même des contraintes. Par exemple, il y a des sons, sur le dernier projet, on les a rentrés à la toute dernière minute parce que c’était pas sûr. Pour moi y a pas plus grand richesse qu’être indépendant.

Pour finir, on peut conclure sur ce qui l’as poussé à partager sa musique, sans quoi cette interview n’aurais jamais pu avoir lieu.

Ce qui m’a donné envie de les publier c’est quand j’ai vu des petits de chez moi, ou Ashe 22, qui rappent aussi, avoir de la visibilité, ça donne envie de se lancer. Moi j’étais pas au courant qu’ils faisaient ça parce que quand on se voyaient au quartier on parlait pas de ce côté musical. Au début je mettais mes sons sur soundcloud mais les gars de mon quartier ils vont pas là-dessus, donc j’ai fini par mettre sur youtube ou Spotify.

Merci à Tedax Max pour le temps accordé, on lui souhaite une longue carrière à lui et toute son équipe.

Mailys

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